La nuit est une grande cité endormie

Nous marchons à travers Tokyo. C’est la nuit et il fait bon. Nous sommes sur une plate-forme qui surplombe la route, à présent silencieuse. Le front de mer est invisible, mais nous savons qu’il n’est pas bien loin – ses échos chatouillent nos oreilles et nos narines. Dans les arbres, les cigales répètent sans cesse leur litanie qui accompagne notre marche et qui se meurt lentement dans l’air avant de resurgir de nouveau. Nos pas résonnent sur les dalles du sol, et nos yeux sont tournés vers le haut.

Nous sommes entourés de gratte-ciel. Le jour, ce quartier est rempli de gens affairés se bousculant dans tous les sens, mais, à cette heure-ci, nous sommes seuls. Les bâtiments majestueux qui nous entourent ne sont que partiellement éclairés, ce qui leur donne un air mystérieux. L’espace d’un instant, je les imagine en immenses créatures dormantes qu’une force inconnue aurait fait échouer sur cette plage. Notre conversation s’est tue, et nous marchons parmi eux sans déranger leur sommeil, unis dans une communion qui se passe de mots.

Soudain, la flèche d’un train transperce le silence et fuse en direction du centre-ville. Nous sommes arrivés au bord de la plate-forme, mais on hésite avant de descendre. Nous restons donc quelques instants devant l’escalier, suspendus entre ciel et terre, essayant de fixer les impressions ressenties. Puis un premier pied se pose sur une marche et la magie s’évapore lentement en laissant un arrière-goût doux et un peu amer.

Nous marchons à travers Tokyo. C’est la nuit et il fait bon.