Nagano III: Troisième jour

Il n’y a pas à dire: ouvrir les yeux le matin et voir ça met de bonne humeur. A nouveau.

On dit au revoir a la gentille famille d’accueil (qui ne nous laisse pas repartir sans nous offrir en guise de cadeau d’adieu des sachets de thé fait maison) et on revient à l’internat, où nous ferons des soba (c’est-à-dire des nouilles de sarassin) qui nous serviront de repas de midi.

En ayant déjà fait, je commence à connaître le principe. A vrai dire, les opérations sont si simples qu’il est presque impossible de se louper (raison pour laquelle, je suppose, on nous le fait faire; cela dit, entre « ne pas se louper » et « bien faire », il y a un gouffre). Pour commencer, on mesure la farine et l’eau…

…on mélange…

…puis malaxe à fur et à mesure que la pâte s’homogénéise…

…et il ne reste plus qu’à étaler la pâte en un cercle (ce qui est différent de Shirakawa, où c’était un carré qui état requis).

Chacun fait toutes les opérations à tour de rôle, c’est donc très convivial… et potentiellement peu hygiénique, raison pour laquelle notre maîtresse de voyage a tenu à nous asperger à tous les mains avec de l’antiseptique avant de commencer. Il faut dire que les Japonais adorent l’antiseptique presque autant que les masques antibactériens; on en trouve dans beaucoup de toilettes et dans la plupart d’entrées de lieux publics. Je reste toutefois quelque peu dubitatif quand au fait de savoir si c’est une excellente initiative ou un bon moyen de sélectionner par ses propres soins une souche de bactéries indestructible.

Une fois que la pâte ressemble à une grosse crêpe, il ne reste qu’à la plier sur elle-même pour former une espèce de mille-feuille puis de couper des lamelles.

Et voilà le travail.

Ce n’est toutefois pas l’heure de manger pour autant; il reste un autre plat à préparer. Il s’agit du mochi – une pâte gluante faite à partir de riz écrasé. Vous avez déjà vu comment on la fait dans mon article de blog sur la ville de Kurashiki (enfin, je ne vous en veux pas si vous ne vous en souvenez pas, c’était en janvier), ce sera donc une occasion de faire une petite révision.

Pour faire du mochi, il nous faut quelques kilos de riz cuit encore fumant, un réceptacle fait à partir d’un tronc d’arbre évidé et des maillets en bois. Tout d’abord, on écrase sommairement le riz sans porter de coups tout en le retournant périodiquement avec une main trempée dans de l’eau (pour ne pas se brûler). L’idée est d’éviter qu’il n’attache aux parois; ce que l’on veut, c’est une boule malléable.

Après quelques minutes, on peut commencer à le transformer en pâte en le frappant sans avoir peur qu’il ne colle au réceptacle en bois. On prend son élan…

…et boum!

Et c’est parti pour une vingtaine de minutes de pilonnage de la pauvre pâte sans défense. C’est assez jouissif, moins que le taiko mais tout de même. Une fille en profite pour crier, à chaque coup porté, le nom d’une entreprise ayant refusé son CV. Bref, chacun peut libérer la pression accumulée.

Pour les filles, justement, des maillets plus fins (donc moins lourds) sont prévus.

Et voilà le résultat: les soba, cuits puis refroidis, se mangent après avoir été trempés dans une sauce à base de soja. Le mochi peut être consommé soit sous forme de petites boules roulées dans du sésame moulu ou de la pâte sucrée d’haricots rouges, soit au fond d’un bol, recouvert d’une louche de soupe.

C’est l’heure de dire au revoir à l’internat et à ses pensionnaires. Notre car repart au son d’un gros taiko, placé sur le parking exprès pour nous.

Alors que le car repart, les enfants nous prennent en chasse sur quelques centaines de mètres.

Alors, pour finir, que penser de Hijiri-gakuen et de son mode de vie? Je reste partagé. D’une part, il est évident que l’endroit n’a rien d’un lieu triste et renfermé comme on pourrait l’imaginer en en lisant la description; les enfants que l’on y rencontre sont au contraire très communicatifs, joyeux, et développent un réel sens de fraternité – sans parler de superbes talents artistiques. Par l’agriculture, ils apprennent également la valeur du travail et de la nourriture ce qui est là encore une chose dont beaucoup de citadins auraient besoin. Enfin, ils ont l’occasion de vivre parmi des paysages splendides et d’apprendre à les aimer. Tout ceci est excellent. Toutefois, la société japonaise moderne étant ce qu’elle est, je me demande si un an de coupure ne risque pas de les pénaliser dans d’autres domaines comme l’informatique ou l’interaction avec leurs camarades qui, eux, n’ont pas le même mode de vie. Pour résumer, je pense que Hijiri-gakuen est un endroit où j’aimerais bien passer (ou y envoyer mes enfants pour) des vacances d’été mais peut-être pas toute une année.

Enfin, la dernière visite du voyage sera celle du temple Zenko, dans la ville même de Nagano. Construit au 7ème siècle, il est considéré comme un haut lieu du bouddhisme japonais.

(Au fait, votre oeil s’est-il arrêté sur la croix gammée? Lorsque je suis arrivé au Japon, en voir à chaque coin de rue me faisait d’abord un effet bizarre, puis elles se sont naturellement fondues dans le paysage. Les puristes noteront toutefois qu’elles n’est pas tournée dans le même sens que les allemandes, donc l’honneur est sauf.)

Au sous-sol, il y a un couloir complètement sombre qu’il faut explorer au toucher pour y trouver une relique. Evidemment, nous avons dû nous y reprendre à deux fois, ayant pris la relique pour une simple pognée de porte au premier passage.

L’arbre à trois feuilles, symbole du temple, est visible partout, y compris sur la charpente des toits.

On croyait avoir tout vu au Japon, et puis on découvre une pagode rose.

Le très joli et très précieux vase Ming dans le jardin est protégé par un grillage.

Des enfants jouent devant des rangées de sculptures de jizo.

Le jour de notre visite, le temple recevait des invités de marque: des moines venus tout droit du Tibet (probablement pour préparer la visite du Dalaï-lama, attendu à Zenko-ji fin juin).

Et voilà, encore une aventure d’achevée, qui n’avait rien à envier à la précédente. C’est dans des moments comme celui-ci que l’on se dit que, quoi que l’on puisse dire des voyages de groupe, ils permettent de faire des choses quasi impossibles à organiser soi-même. Jouer du taiko, planter du riz, faire du mochi: autant d’activités somme toute très simples mais profondément gratifiantes que l’on ne pense pas forcément entreprendre en venant ici mais que l’on est bien content de faire lorsque l’occasion se présente et qu’on ne pourrait pas (ou difficilement) reproduire ailleurs.

Une Réponse to “Nagano III: Troisième jour”

  1. Se souvenir… des voyages « Anton au Japon Says:

    […] – Matsushima – Minka-en – Mitake-san – Mito – Miyajima – Nagano – Nagoya – Naha – Nara – Naruto – Nikko – Osaka – Sapporo […]

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