Australie I: Le projet

La vie humaine est faite de contradictions parfois difficiles autant à expliquer qu’à résoudre. Mon rapport aux voyages en est l’illustration parfaite. J’aime l’idée du voyage; j’adore découvrir de nouveaux lieux; et je pense qu’un billet de train, de bateau ou d’avion constitue l’un des meilleurs moyens – parmi tant d’indignes – de dépenser les sous si durement gagnés et accumulés. Mais voilà; le plaisir que j’ai à être quelque part ne peut égaler que les réticences que j’éprouve à y aller. Bien sûr, les grands penseurs des siècles passés n’ont cessé de répéter que le chemin est tout aussi important que la destination; ceci ne prouve toutefois que le fait qu’ils n’ont pas connu l’aviation. Il est évident que tout déplacement n’est pas forcément désagréable – découvrir l’Europe en train ou les Etats-Unis en voiture est effectivement une expérience formidable à part entière – mais il y a peu de choses au monde qui me font moins envie que de passer une dizaine d’heures suspendu à dix mille mètres d’altitude dans une boîte de conserve volante, en avalant de la nourriture à peine digeste et en regardant des films inintéressants sur un petit écran qui fait mal aux yeux.

Pour cette raison, j’ai décidé, à partir du moment où je savais que j’allais faire l’échange au Japon, de « rentabiliser » le voyage au maximum pour visiter d’autres destinations, plus facilement accessibles depuis l’archipel nippon que depuis l’Europe. Or, dans la liste de ces destinations, peu sont à la fois aussi alléchantes et difficiles d’accès que l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Pour aller à Auckland depuis la Suisse, par exemple, comptez au moins deux changements de vol, une trentaine d’heures de route (dont une vingtaine en avion) et plusieurs milliers de francs. De quoi décourager même les plus motivés, Seigneur des Anneaux ou pas. Mais voilà, quand on est à Tokyo, la perspective change – littéralement – et l’Océanie ne se retrouve plus qu’à une dizaine d’heures de vol – oui, c’est une dizaine de trop, mais tout de même.

Pour réaliser ce genre d’opération commando, trois choses sont nécessaires. Tout d’abord, il est tout de même préférable d’avoir quelques sous de côté, surtout pour l’Australie qui s’est révélée être une vraie essoreuse à poches de touristes. Ainsi, j’ai alloué une ligne de budget à ce voyage dès le départ, plusieurs mois avant de quitter la Suisse – et ai donc composé avec cette contrainte en planifiant les autres activités. Ensuite, il vous faut vous organiser. Voulez-vous voir beaucoup de choses différentes en peu de temps, ou explorer une ou deux régions en profondeur? Les vacances de printemps durent deux mois à Waseda, ce qui veut dire que le temps ne sera pas un problème, mais l’argent le sera peut-être; de plus, vous aurez énormément à faire au Japon durant cette périodeégalement. Enfin, last mais clairement not least, il vous faut un ou plusieurs compagnons de route fiables et motivés. Comme on peut s’y attendre, les trouver n’est pas nécessairement chose facile; en allant au Japon, la plupart des gens pensent peut-être visiter Séoul mais pas Sydney… Pour ma part, j’ai fini par me mettre d’accord avec Juha, un Finlandais rencontré lors du voyage à Shirakawa (pour la millième fois – participez aux activités organisées!) et la machine s’est mise en route.

Nous nous sommes rapidement rendus compte que les divers engagements pris précédemment ne nous permettaient pas partir plus de deux semaines. Il était aussi clair qu’aucun d’entre nous ne voulait choisir entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande (pas au prix de 20 heures de vol de plus); il nous faudrait donc faire les deux. Puisque l’option « explorer en profondeur » n’était plus de mise, nous avons décidé de pousser l’autre ligne de conduite jusqu’au bout et de visiter pas moins de 6 villes en 14 jours, selon un plan « en triangle » ressemblant à ceci:

Pourquoi autant de lieux différents? Bien sûr, nous aurions pu passer une semaine dans une seule ville de chaque pays, mais cela n’aurait pas rendu justice à ce qui fait à juste titre la réputation de ces deux contrées: leurs paysages naturels, magnifiques et immenses. En somme, nous avons décidé de planifier un road trip. Il faut toutefois préciser que le choix de la voiture comme moyen de transport (plutôt que le train ou le car par exemple) n’était pas évident; après tout, ce moyen de transport est cher (les loueurs font payer une surtaxe aux moins de 25 ans) et fatigant, sans parler du fait qu’on roule à gauche en Océanie. Les aficionados des voitures avancent habituellement l’argument de la flexibilité pour justifier leur choix (« on pourra aller où on veut et s’arrêter dans des coins sympas en route ») mais il n’est pas suffisant – après tout, pour peu que l’on ait réservé les nuitées et les activités (choses qu’il serait pour le moins imprudent d’omettre de faire), on ne peut plus que suivre une seule route, et les petits détours ne sont pas vraiment de mise quand rouler en ligne droite prend déjà 12 heures. Non, la vraie raison de préférer la voiture est d’ordre plutôt psychologique; conduire donne l’impression de parcourir la distance soi-même – alors qu’un train ou un bus ne fera simplement que de vous emmener d’un endroit à l’autre comme un paquet. La différence entre traverser un paysage ou y être emmené est peut-être subtile, mais elle devient importante quand on prépare ce qui est, toutes proportions gardées, une aventure.

Préparer le voyage m’a en outre fait prendre conscience – une fois de plus – à quel point Internet est un outil pour lequel le mot « révolutionnaire » fait figure de litote. Il y a seulement 15 ans en arrière, organiser ce genre d’escapade complexe (trois vols, six hôtels, trois locations de voiture – il faut en faire une pour chaque île de la Nouvelle-Zélande, à cause d’une question d’assurance lors du transport en ferry qui fait qu’il est impossible de prendre une voiture d’un côté du détroit de Cook et la rendre de l’autre) aurait été impossible sans un agent de voyage. Celui-ci aurait alors recours à un annuaire d’hôtels australiens et néo-zélandais – délivré annuellement ou mensuellement par la poste – puis au téléphone pour effectuer les réservations. L’opération aurait pris des jours et l’opérateur, une juteuse commission. Aujourd’hui, un Suisse peut non seulement très facilement réserver une chambre en Nouvelle-Zélande depuis le Japon; il peut aussi voir à quoi ressemble la devanture de l’auberge de jeunesse avec Google Maps, consulter la liste des meilleures attractions touristiques avoisinantes avec TripAdvisor et même réserver les entrées à l’avance grâce aux divers sites Web spécialisés. Le gain en temps, en efficacité et en confort est incommensurable. On n’a peut-être pas de voitures volantes, mais the future is quand même now.

Dans les prochains articles, je vous raconterai nos aventures dans ces contrées si lointaines et si attrayantes. Même si ce blog s’appelle « Anton au Japon », j’espère que vous ne m’en voudrez pas. Après tout, la plus belle chose avec un voyage est le fait qu’il peut toujours en cacher un autre…

3 Réponses to “Australie I: Le projet”

  1. Juliette Says:

    V E I N A R D !!!!!!!!!!!!!!!!
    😉
    T’as raison faut profiter un max !!!

    bisouus petit nipponais

  2. 200 « Anton au Japon Says:

    […] pour visiter d’autres pays, un peu moins inaccessibles depuis ici: il s’agit de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la […]

  3. Se souvenir… des objets « Anton au Japon Says:

    […] Un boomerang australien. Ok, ce n’est peut-être pas le souvenir le plus original, mais il est très joli et […]

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